Famille & relations 16 June 2025

Pasteur présent, père absent

Le Collectif #edp / 40 Mins

Le prix du ministère : grandir sans père, même quand il est là

Dans cet article nous parlerons d’une blessure qui ne se voit pas à l’œil nu, mais qui façonne profondément une vie : l’absence physique et émotionnelle du père au sein du foyer, et plus particulièrement dans le contexte pastoral. 

Il s’agit ici d’explorer les conséquences de cette absence sur notre vie en tant qu’enfant de pasteur, nous qui grandissons parfois avec un père investi dans le ministère… mais indisponible à la maison.

Note : Il est important de préciser que ce texte ne traite pas d’autres dynamiques paternelles destructrices telles que la violence verbale ou physique, les abus sexuels, les addictions, les infidélités conjugales, l’autoritarisme ou encore l’hypocrisie spirituelle. Ces réalités existent, et méritent à elles seules des réflexions approfondies. Ici, l’attention est portée uniquement sur une forme d’absence plus subtile, plus “acceptable” en apparence, mais dont les effets peuvent marquer une vie entière.

🧠 La prise de conscience

Ça prend du temps de prendre conscience que ce que l’on vit est tout sauf banal…

👉 Si je devais te questionner depuis aussi longtemps que tu te souviennes, quelle a été l’anecdote ou l’expérience qui t’a fait réaliser que ton père n’avait pas un métier ordinaire ?

Pour ma part, ça a commencé à l’école, quand les élèves se racontaient tour à tour leurs week-ends, les activités et le temps passé avec leurs parents ou leur famille. Non seulement je me rendais compte que mes activités n’étaient en rien semblables à celles de mes camarades, mais je devais aussi faire le SAV de cette vie en répondant à leurs nombreuses questions sur cet univers si atypique qui les intriguait.

Ce qui me marquait, c’était de réaliser que je n’avais pas ces temps de qualité avec mes parents dont les autres semblaient bénéficier. Ni la possibilité de m’investir dans des loisirs comme le foot, qui se pratiquent le week-end, et particulièrement le dimanche.

J’ai compris qu’à chaque fois qu’ils sortaient de l’école et que leurs parents avaient fini leur travail, ils pouvaient passer du temps ensemble. De mon côté, quand je rentrais de l’école, c’était pour repartir à une réunion, ou je retrouvais mon père enfermé dans son bureau, en train de préparer une prédication ou au téléphone avec un chrétien.
Le week-end commençait par la réunion du vendredi soir, puis le samedi matin la répétition du groupe de louange, le samedi après-midi à « régler » des choses, puis le samedi soir la réunion jeunesse. Le dimanche, nous étions les premiers à ouvrir l’église avant le culte, puis après avoir discuté avec chaque personne traînant jusqu’à la fin, nous rentrions enfin manger en « famille », avant de repartir pour la réunion de l’après-midi, qui durait jusqu’au soir. Sans parler des trajets en voiture, où il y avait bien souvent quelqu’un à ramener.

Au final, quand je faisais les comptes… je ne m’y retrouvais pas.

Où étaient les temps de qualité, en dehors de tout service, ces moments dédiés à la relation et à apprendre à se connaître ?

 

👥 Quand le père est là… mais pas vraiment

Grandir avec un père engagé pour Dieu, c’est une richesse. Mais parfois, tu te demandes s’il lui reste de la place pour toi. Ce n’était pas seulement les activités, il n’y avait pas de fin à ce travail prenant, pas de limite entre la vie familiale et professionnelle.

📞Un repas en famille ? Non, c’était souvent le moment où un chrétien appelait, et il fallait répondre.
🏝️ Des vacances ? Parfois. Mais entre celles dédiées au service (coucou les camps chrétiens !) et celles écourtées — voire annulées — pour cause d’“urgence pastorale”, ça ne ressemblait pas vraiment à du repos.
🎞️ Regarder un film tous ensemble ? Impossible, il restait toujours une prédication à terminer.
💻Et je ne parle même pas du temps passé sur le téléphone ou l’ordinateur, hors réunions, visites, cultes ou autres activités qui grignotaient (encore et toujours) les moments en famille.

Alors oui, on a eu la chance de vivre de belles choses, de participer à des événements enrichissants… mais si j’avais pu troquer tout ça contre un vrai temps de qualité avec mon père, je l’aurais fait sans hésiter.

Ce n’est pas du rejet. C’est une forme d’absence qui ne dit pas son nom.

Avais-je un père ou un pasteur en fonction à la maison ?

 

🚩Les conséquences

Au fil des années, nous finissons par intégrer que nos besoins passent souvent après ceux des autres. Selon nos personnalités, cela s’exprime différemment : certains le font savoir, tandis que d’autres ont du mal à exprimer ce qu’ils ressentent.

Dans tous les cas, cela entraîne des tensions, de la distance et du mécontentement dans nos relations proches, ainsi que des répercussions plus ou moins marquantes dans divers aspects de notre vie.

💔Les conséquences sur le développement émotionnel ressemblent à :
– un sentiment d’abandon ou d’insécurité affective, (les psychologues classent dans “l’abandon parental” les bourreaux de travail incapable de déconnecter même sur le temps familiaux¹ ),
– une maturité forcée trop tôt,
– une tendance à cacher ses émotions par peur de déranger,
– et des difficultés à reconnaître ou exprimer la tristesse, la colère ou la peur

🧍Il y a aussi des répercussions sur les relations et la construction identitaire, comme
– ce sentiment de ne pas avoir de valeur, nourri par l’absence de temps de qualité partagé avec le père.
– L’estime de soi en souffre, ce qui peut conduire à des choix relationnels maladroits : s’entourer de mauvaises fréquentations, choisir un conjoint pour de mauvaises raisons, simplement dans l’espoir d’être vu, aimé ou reconnu.

✝️Les répercussions sur la vie spirituelle des enfants sont profondes :
– non seulement notre père manque souvent de temps pour répondre à nos questions personnelles sur la foi — quand bien même nous nous sentons assez à l’aise pour les poser —,
– mais il incarne aussi l’image que nous avons de Dieu.

Alors, comment construire une vraie relation avec Dieu le Père quand notre lien avec notre père terrestre est marqué par la distance, l’indisponibilité, la pression et le jugement ?

😔Et ne parlons pas des conséquences sur les relations devenus adultes, entre amertume, attentes non verbalisées et avoir le sentiment d’être des inconnus parfois : partir de la maison ça n’est pas forcément régler les choses.

✅ Comment changer les choses aujourd’hui ?

Pour résumer, ce dont nous avons besoin, c’est d’un père — pas d’un pasteur — et d’une frontière claire entre le ministère et la maison. C’est facile à dire, mais beaucoup plus difficile à vivre.

Voici quelques pistes concrètes qui peuvent t’aider à avancer, à mieux comprendre ce que tu ressens et à poser des pas vers la guérison (celà marche aussi si tu as quitté le foyer familiale)

1️⃣ Mets-le par écrit : Mettre des mots sur ton histoire, sur ce que tu as ressenti, sur ce qui t’a manqué, peut être un premier pas très libérateur.
2️⃣ Prendre rendez-vous : Certains d’entre-nous l’ont déjà testé (véridique)
Tu peux lui proposer une date et une heure dans un lieu neutre et lui dire ce que tu souhaiterais aborder.
3️⃣ Demander à parler à un ami proche de votre père : Parfois lorsque le dialogue est rompu de passer par une personne mutuelle de confiance peut aider.
4️⃣ Lui écrire une lettre : En utilisant le “je” plutôt que le “tu”, tu pourras exprimer ce que tu ressens sans accuser. Par exemple : “J’ai besoin de passer du temps de qualité avec toi” plutôt que “Tu ne prends jamais de temps avec moi”. Cela fonctionne même si tu as déjà quitté le foyer familial. Mettre des mots sur ce que tu as vécu, sans forcément attendre une réponse ou un changement, peut déjà être un vrai pas vers la liberté intérieure.

❤️‍🩹 Comment accompagner et guérir ses blessures ?

Mais dans le concret c’est plus complexe, c’est parfois même indépendant de notre volonté, nos parents sont des être humains avec leurs propres difficultés et problématiques à régler. Comme par exemple l’addiction au travail et l’immaturité émotionnelle, ce sont des choses contre lesquelles tu ne pourras rien y faire à ton niveau. (Et ce, sans compter d’autres blessures plus lourdes comme les addictions, les abus ou la violence, qui ne font qu’alourdir une situation déjà difficile.)

Mais alors, que peux-tu faire ?

➡️ Tu peux envisager de faire une thérapie familiale. Parfois, mettre les choses à plat dans un cadre bienveillant, avec un tiers formé, permet d’ouvrir un dialogue autrement impossible. Sur cette plateforme, nous travaillons avec des thérapeutes chrétiens spécialisés en thérapie familiale. Si tu ressens que c’est une démarche utile pour toi, n’hésite pas à te renseigner ici.

➡️ Trouver des mentors
Dans les périodes de conflit, il peut être nécessaire — temporairement — de rediriger ton besoin d’affection et tes attentes relationnelles vers d’autres figures bienveillantes. S’appuyer sur des mentors, des adultes de confiance, pendant quelques mois ou même quelques années, peut offrir un véritable soutien et permettre de sortir de l’immobilisme émotionnel. Cela ne remplace pas la relation parentale, mais cela peut apporter du réconfort et t’aider à avancer malgré la fracture.

🙏Et quand cela ne suffit plus

C’est le conseil que je redoute de te donner, parce qu’il m’a moi-même souvent tapé sur les nerfs. Mais parfois, malgré tout ce qu’on a tenté — les discussions, les lettres, les efforts — la relation avec notre père reste brisée. Et dans ces cas-là, il ne reste qu’un seul recours : la prière.

Après tout, Dieu, c’est son patron… alors peut-être qu’il l’écoutera mieux que nous. Qui sait ?

Il y a verset qui parle de notre Dieu qui ne nous laisse pas orphelin, peut-être qu’il fera aussi écho en toi
« Et vous n’avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! » — Romains 8:15

Abba est un mot intime. C’est comme dire « Papa ».
Dieu nous a donné l’Esprit d’adoption et il nous invite à l’appeler Abba. Il n’est ni distant, ni distrait. Il désire nous connaître personnellement et profondément. Il aspire à une relation avec nous. Il veut être notre Père. Alors, peu importe la relation que tu as eue avec ton père terrestre, Dieu n’est pas trop occupé. Dieu n’annule jamais un rendez-vous avec toi.

Tu peux prier : Père, Abba, Papa.
Lui, Il est toujours là.

Sources :
 ¹ Parents absents 6 conséquences sur la vie d’adulte 

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