Grandir dans une famille de Pasteur c’est grandir dans une famille « comme les autres » dans un contexte « pas comme les autres » !
👨👩👧👦 — Une famille comme les autres
Chaque famille a sa propre culture, ses propres règles, son histoire et ses évènements marquants, une répartition des rôles qui lui appartient, bien souvent hérités des générations précédentes en continuité et/ou en rupture avec les anciens modèles.
Qui accompagne à la rentrée des classes ? Comment sont réparties les places à table ? qui met la table, qui débarrasse, qui file aux toilettes au moment de faire la vaisselle, qui râle tout le temps parce que c’est toujours le ou la même qui a une envie pressante au moment de faire la vaisselle…
Plus sérieusement, la gestion des conflits, les secrets de famille, le rapport à l’argent, au travail, aux familles d’origine des parents, la relation de la femme vis-à-vis de l’homme et de l’homme vis-à-vis de la femme, la question de la sexualité, de la mort, la place de la foi et des croyances (etc) sont autant de thèmes qui vont se décliner de façon singulière.
On pourrait se dire que chaque famille a sa propre « carte d’identité » avec des éléments qui la caractérise et la rende unique, spécifique.
Et puis, une famille c’est un creuset ou l’on apprend à donner et à recevoir…donner du temps, de l’attention, de la reconnaissance, de la connaissance, des limites, de l’affection dans un climat d’acceptation où les erreurs sont tolérées, ou chacun se sent co responsable les uns des autres.
Recevoir c’est aussi tour à tour être en situation de laisser les autres répondre à nos besoins, demander de l’aide et être attentif à ce qui s’exprime et à ce qui ne se voit pas forcément. Plus l’enfant est petit plus il est dépendant et en situation de recevoir des autres, plus il grandit plus il pourra donner à son tour en répondant, parfois, aux attentes parentales et ceux qui auront donné (les parents) se retrouveront en situation de recevoir à leur tour.
N’est ce pas la véritable raison d’être de la famille au fond, un endroit ou j’apprends à aimer et me laisser aimer ?
👨👩👧👦 Une famille pas comme les autres parce que le contexte n’est pas comme les autres
Si je devais décrire en quoi est ce qu’une famille de pasteur n’est pas tout à fait comme les autres, je dirais, de ma propre expérience, que tous les dimanches y compris certains soirs en semaine nous allions ensemble au travail de Papa…parfois de façon contrainte, parfois avec plaisir de retrouver les amis, les personnes que l’on apprécie.
J’avoue humblement avoir survécu à ces moments-là, alors que j’aurai préféré regarder une série à la maison ou lire ma dernière BD, en retrouvant les copains au fond à droite (ou à gauche) de la salle et en faisant des blagues, en jouant, au pire en commentant les prières qui défilaient dans un ordre bien connu avant un message auquel je n’accordais que peu d’importance. Ah, si, mon attention était captivée quand je pouvais entendre un élément personnel que mon père partageait du haut de l’estrade et que je ne connaissais pas de lui…ou quand il m’interpellait au milieu d’une prédication pour venir m’asseoir au 1er rang…(bien sûr je n’y étais pour rien 😊)
🤔 Alors comment se comporter ?
➡️Choix n°1
Enfant modèle qui montre l’exemple pour être loyal à ce qui est attendu de lui et participer au projet familial du ministère : « moi et ma maison nous servirons l’Eternel !», voire une sur responsabilisation auprès de l’un des parents ou des frères et sœurs.
➡️Choix n°2
Enfant rebelle qui rejette ce qui lui est proposé, voire imposé, et qui tente de se démarquer en bousculant le cadre et mettant parfois mal à l’aise maman ou papa devant les chrétiens.
➡️ Choix n°3
Enfant oublié qui se réfugie dans son imaginaire et ses pensées pour tenter d’échapper à une réalité complexe, voire contradictoire entre ce qui est raconté du haut de l’estrade et ce qui se vit à la maison.
➡️ Choix n°4
Enfant symptôme qui vit une certaine souffrance et n’ayant ni l’espace ni les mots pour le dire, va le montrer avec son corps, son cœur et ses échecs.
➡️ Choix n°5
Enfant en quête de reconnaissance qui va investir l’Eglise, notamment les places en vue, pour être plus proche de Papa ou de Maman
➡️ Choix n°6
Les 5 premiers choix tour à tour…
⚠️ Les attentes implicites
Un engagement personnel, spirituel aussi fort, intense et passionné que peut être le fait de servir Dieu à temps plein n’est jamais sans conséquences pour les enfants qui se retrouvent embarqués de fait dans l’aventure avec son lot de tempêtes, de transitions et déménagements mais aussi de bénédictions, de victoires et d’opportunités.
Les attentes implicites voire explicites des parents sont multiples dans ce contexte :
👉 « Pourvu que mes enfants se tournent vers Dieu librement… » EDP : est ce que je suis réellement libre de m’engager ? Et si je le fais c’est pour leur faire plaisir ou par vrai choix personnel ?
👉 « Je voudrais tellement qu’ils soient aussi passionnés de l’Eglise que moi… » : EDP : Comment puis-je faire un choix et me dégager d’une telle attente ? ou m’y engager sans avoir l’impression d’être favorisé par rapport aux autres ?
👉 « Il est important que l’image de notre famille soit cohérente avec le message » EDP: Comment je fais quand papa et maman viennent juste de se disputer très fort dans la voiture avant d’arriver à l’Eglise ?
Que ce soit au sein de la famille comme au sein de la communauté, les épreuves et victoires du ministère parental seront toujours un laboratoire incroyable d’observation et de vérification pour les enfants que nous sommes ou que nous avons été…
Jusqu’à ce que…
✅ Choix personnel : un chemin de différenciation
Pas si simple de faire un choix pour soi…
👉 A quel moment la foi de mes parents devient la mienne ?
👉 Si je me tourne vers Dieu, est ce que je vais être soumis (e) aux mêmes enjeux, pressions et difficultés que mes parents ?
👉 Et si je m’engage, est ce que je vais devoir servir autant qu’eux ?
👉Lorsque je sers avec eux (louange, enfants, ados, prépa des slides, réseaux sociaux etc.) qui est ce que je sers réellement ?
👉 Est-ce que je réponds à mon appel et à ce que Dieu attend de moi ou je sers le projet de mes parents ?
👉Est-ce qu’il est possible de penser la façon de vivre la foi et les pratiques dans l’Eglise différemment que ce que l’on m’a enseigné ?
👉 Et bien d’autres questions encore qui nous parle d’un chemin de vie : Être celui qu’il nous appelé à être pleinement (« Ge 12 :1 Quitte ton pays, ta patrie et ta famille et va dans le pays que je te montrerai » littéralement quitter : va vers toi, pour toi).
Tôt ou tard chacun d’entre nous (enfant de pasteur ou pas) aura à répondre à cette question en se quittant « émotionnellement et spirituellement » le chemin tracé par ceux qui nous ont élevés, enseignés et aimés.
Je peux faire le choix de garder consciemment des façons de faire, des modes pensées, des pratiques et les faire mienne en les transformant parfois.
Je peux aussi abandonner certaines pratiques et règles familiales qui ont produit un fruit amer, bien souvent très involontairement.
Vouloir faire l’inverse par soucis de réparation d’une histoire familiale et relationnelle abimée me laisse suspendu et accroché à des blessures qui me pousseront, sans le faire exprès, à faire de l’excès inverse. (ex : Basculer du légalisme au libéralisme religieux, ou l’inverse)
Ce chemin de différenciation est parfois long, douloureux mais au combien vital pour être pleinement soi-même, libre et dégagé des entraves d’un héritage parfois lourd ou de loyautés que l’on porte sans s’en apercevoir.
😶 Mais alors, me direz-vous, comment on fait maintenant ?
Il pourrait être tentant pour moi de vous délivrer les 3 clés à retenir, les 5 étapes à mettre en œuvre, les 10 méthodes à appliquer et nous sommes tous en quête de solutions.
Mais je ne le ferai pas…désolé je sais, je vais faire des frustrés !
Précisément parce que je fais confiance à la vie, au processus de transformation qui s’opère en nous et au travers de nous.
Chacun a une route singulière à suivre sur le chemin de la différenciation par rapport aux attentes parentales et les meilleures des solutions qui ont fonctionnés pour moi ne seront pas les mêmes pour toi.
Je sais simplement une chose, ce chemin ne se traverse pas tout seul parce que l’on ne se différencie pas tout seul. Nous avons besoin des autres, du très haut et d’une bonne dose d’inconfort pour avoir besoin de trouver une autre voie, sa propre voie…
L’auteur de cet article est Samuel Sportiello,
Coordinateur de l’accompagnement thérapeutique et membre du Collectif #EDP.
Il est aussi thérapeute familial et conjugal, formateur et spécialiste en relation d’aide
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